C'est étrange.
J'ai le cœur lourd et les épaules légères. La sensation de ne plus porter ce monde trop gris, de m'essoufler pour qu'il tourne, brinquebalant.
Il y a du soleil.
Du soleil sur le bois des meubles, du soleil sur les fleurs, du soleil dans les persiennes.
La Mam qui agite les bras dans l'allée parce que je tarde à sortir de la voiture.
Et le parquet qui craque quand je monte les escaliers.
J'ai poussé la porte, ça sentait la peinture fraiche et les murs neufs.
Il manque des choses. Au mur, les photos. Les livres, et les étagères. Et les rideaux rouges qui donnaient cette atmosphère particulière.
Et la guitare, et nos voix.
Je m'assois sur le lit, j'inspire, comme avant un grand saut, y'a pas les palpitations mais on n'en est quand même pas loin.
Un grand saut pour un grand bond.
On avance.
Sur le transat, je laisse le soleil mordre ma peau, les idées papilloner et les heures s'égrainer.
La nuit est douce.
Les étals sont beaux, il y a du monde et la Mam' tutoie même les vendeurs.
Voilà, c'est ma fille, oui elle est grande, oui c'est ma fille, ah elle me ressemble?
Et voilà que ça rigole et que les yeux sont tournés vers moi.
J'essaie de me faire petite.
Ils veulent me piéger avec leur trou du cru, mais je passe commande bien comme il faut, en articulant tout haut pour leur éviter de rigoler tout bas.
Bonjour, je voudrais un tr-ou-du-cr-u silvousplaitmadame.
Ahah, ils en sont presque épatés, eh bah oui bah non, je ne dirai pas trou du cul.
On se la joue travail à la chaine, on se passe les sacs de mains en mains, et Papou, maillon final, range proprement dans le chariot à roulettes pour que rien ne se transforme en purée avant qu'on ne soit arrivés.
Et puis on déguste en faisant des ah! Des hum! Des mmmmmh! de gourmandise.
Et puis il est l'heure.
Sur la route, à l'ombre des grands arbres, je me dis que tomber peut, des fois, permettre de mieux se relever.
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