mercredi 16 avril 2014

#aujardin#



Quand on revient, tous les souvenirs se ravivent un peu.
A s'en serrer le cœur, des fois, même.

Il y a des cailloux un peu plus blancs que les anciens, ça donne un peu de lumière, les autres ils étaient sûrement trop vieux et peut être trop fatigués, en tout cas tous gris, tous ternes, tous moches.

Il y a toujours la cabane à oiseaux, avec son toit en métal, il doit y avoir de sacrés courants d'air je me suis toujours dit, de toute façon elle ne fait que jolie. On a fini par la poser sur la petite table verte en fer forgé, posée là au milieu de tout, comme on la poserait au milieu du monde, et tout autour le reste qui s'agite, y compris les fleurs butinées.

Il y a toujours la petite ardoise avec le mot de Bienvenue, Bienvenue chez nous ça dit, Bienvenue chez eux, c'est accueillant et ça va avec la maison, Mam a toujours dit que la porte serait ouverte, alors Bienvenue, faites comme chez vous. Et je fais comme chez moi, c'était avant chez moi.

Ils sont bien contents, le temps est un peu couvert mais on fait de la résistance, on prie pour qu'il ne pleuve pas, ça noirait l'apéro dans les verres à pied. On grignote malicieusement les gateaux au sésame, et les petites graines se décollent et s'émiettent quand on croque dedans.
Et puis on trinque, tchin tchin au printemps, tchin tchin aux jolies fleurs, tchin tchin au soleil qui se cache.
Le jardin est tout coloré, bientôt on entendra les abeilles.

Et, au pied des escaliers, la chouette qui surveille toujours nos allées et venues.


#aujardin#

















lundi 14 avril 2014

#danslacapitale#

Je me suis pressée, j'avais rendez-vous chez Lili et Marcel, ce petit bistrot qui m'a toujours intriguée le long des quais, alors quand il m'a dit "tu vois où c'est?" J'ai dit oui oui direct, bien sûr que je savais, et j'étais bien contente.

Il y avait du monde, il m'attendait déjà à la table, ça fourmillait de toutes discussions, et à peine arrivée "vous avez choisi?". Euh non non pas encore, pas du tout même, j'ouvre la carte quand il repart en fermant son calepin, et les trois ans nous rattrapent. 
Il revient le stylo à la main, "vous avez choisi?" non toujours pas, on papote, pardonnez-nous. Et il m'énerve un peu. Alors on choisit vite, et toi tu prends quoi? Je pose toujours la question, je ne sais pas pourquoi j'aime bien savoir quelle assiette il y aura en face de moi. 
Il revient, gribouille sur son calepin et repart en emmenant les cartes.

Alors on se raconte.
Nos vies, nos parcours, je le gronde un peu, et puis je réalise que c'est partout le même chaos.
A trop se regarder le nombril on oublie qu'ailleurs c'est aussi la même merde.
Et puis d'un coup voilà, il y a comme une lassitude qui m'envahit. Je me dis où que tu ailles cocotte, ce sera pareil. Les mêmes gens impatients qui se croiront tout permis, la même rengaine inutile et futile, la même fatigue, les mêmes maux. Se plier pour tirer, installer, pousser, tourner, tenir, remettre. Inlassablement. Interminablement.

Par la fenêtre les gens vont et viennent. Je me dis oui, moi aussi il faudrait que je ne sois que de passage. 

Il dit que c'est un temps sans ombre. Le meilleur pour les photos. 
Moi je n'aime pas. Ça fait comme un monde fantôme, un monde sans trace. Tu es là mais pas là, pas d'empreinte sur le bitume. Il essaie de me capturer, je n'ai jamais voulu, il supplie un peu, on passe un deal pendant que je prend la pose vite fait. 
J'aime être derrière l'objectif, je me cache un peu. Pas devant, mise en lumière. 
Mais j'ai promis...

On se laisse au pied du métro, à bientôt hein? Oui oui promis, mais les promesses un jour sans ombre, on ne sait pas où elles s'envolent.

Saint Michel est toujours vainqueur. 
Il y a toujours un peu de curieux au pied de la Fontaine, et à défaut de soleil on a une drôle de statue humaine dorée qui tient en l'air toute seule. 
Comme par magie.

Shakespeare est toujours là, par temps sec les livres sont dehors. Il y a du monde dans le petit parc, ça me rappelle les glaces Amorino cherchées une rue plus loin qui nous gelaient les dents sur les bancs en pierre. J'aimais bien m'allonger, regarder le ciel, les nuages qui passaient sans s'arrêter, et la brise qui nous faisait frissonner.

Il y a dans les petites boutiques derrière, comme un air de caverne au trésor. 
Je déniche une colombe à message, j'aime bien l'idée du pigeon voyageur, j'aime laisser des petits mots qu'il trouvera par hasard, alors je m'appliquerai pour écrire sur le petit rouleau  plié.

Les bicyclettes en enfilade.
Le bouquet sur le porte-bagage.
Les fruits à grignoter.
Et les mots peints sur les murs.

On fait un tours.
Et comme toute chose a un début, il m'emmène tester les petites voitures grises.
sauf que pour la première fois, c'est lui qui mène la danse.
Et j'en suis bien fière.

Et puis l'heure a tourné.
Dans le ciel, rien à regarder.


#danslacapitale#





















 

#entrenous#

Comme chaque fin de semaine, on se retrouve.
On a opté cette fois pour le cocon de chez Monsieur Thib et Mademoiselle Nana. 
Il y a la bougie sur la table qui sent bon, on se fait la bise à tour de rôle, Bonjour bonjour, et on s'installe. Il manque Monsieur Loulou parti skier une semaine, tant pis pour lui il rate les hamburgers, et Monsieur Thib a les yeux qui pétillent de malice à l'idée de le narguer.

On trinque un coup, à quoi? A nous. Je pense à Lui, il me tarde qu'Il rentre. 
Demain, demain. 
Les demains sont toujours des autres jours.

Je suis de garde. 
Je regarde le temps s'égrainer un peu. Tout me semble long. Et inapproprié.
Je suis de celles qui se réjouissent à la vue d'une fracture. Oui parce que quitte à travailler, autant que ce soit pour quelque chose.
Je me dépêche, la campagne s'anuite, et quand j'arrive ils m'attendent.
Le petit oiseau bleu au bout du sautoir, je suis bien contente, j'ai le coeur qui se serre de bonheur, et je me dis secrètement que ça valait le coup quand même tout le reste, si c'était pour gagner tout ça.

La magie de se comprendre silencieusement.
Et la nuit nous enveloppe.

Je maudis le réveil qui chantonne.
Et puis, avant de partir, il me donne le joli paquet à poids, je suis bien contente il me plaît bien, je m'applique à l'ouvrir et j'en ressors de la douceur pour les nuits esseulées.

Sur le trajet, la nature s'éveille avec moi.
Et je souhaite, heureuse, que la route soit interminable.


#entrenous#



 



 
 

#lesadieuxserontprintaniers#

On a l'habitude de la visite annuelle.
La dernière fois c'était pour se replonger en enfance, et on s'est dit "allez allez, bientot, et pas dans un an".

Et puis voilà que le printemps la fait partir au soleil, et dans très bientôt.
Ca m'embête, on ne se verra pas plus qu'avant, c'est vrai dans les faits, mais savoir qu'on est à côté ça change la donne quand même, on peut se voir si ça nous prend comme une envie de pisser alors qu'au soleil il faudra se retenir la vessie un moment.

Je tourne un peu, j'ai peu qu'elle ne soit déjà la, mais non non c'est bon, et je me gare presque devant l'entrée, je me dépêche et je l'attends. 
Il y a du monde, des gens qui viennent et vont derrière les grilles, des qui entrent, des qui sortent, des avec des vélos, des avec des enfants muets ou d'autres qui braillent, et des qui braillent après leur marmaille. Un drôle de flux.

Et puis je la vois qui arrive, un air de printemps presque été, d'une fois sur l'autre on ne change pas. On reprend le cours de nos vies comme on raconte des histoires, on reprend là où ça s'est fini la dernière fois, et on se remet à jour.

On monte pour dominer le tout Paris, ya du soleil un peu, des gens beaucoup, quelques chiens fous et des amoureux éparpillés.

Et puis on se dit allez, c'est sûrement la dernière fois, du moins ici, alors comme toutes les dernières fois, on se permet un peu tout. 
On se pose à l'abri dans un petit pavillon joliment décoré, ils ont du thé qui sent bon et du cake gourmand, un petit bout de chaque s'il vous plaît pour tout goûter, parce que tant qu'à faire autant ne pas avoir à choisir et regretter.
On picore, on blablate, on picore en blablatant aussi, c'est ça d'être une fille, on fait tout et rien à la fois.

On observe les gens, on se moque un peu, on joue aux devinettes jamais devinées, et puis on immortalise comme on peut.
Et puis on laisse les grilles derrière nous, bientot on se verra au soleil loin là-bas.

Et le coeur se serre en se disant que c'était une dernière fois.

#lesadieuxserontprintanniers#