mardi 8 juillet 2014

#auxmariés#


J'ai mis le réveil pour être large.
Pas question en ce jour tant attendu de jouer du timing.

 
J'ai passé ma robe qui me faisait de l'œil, je me suis regardée dans le miroir en me disant bon, si elle ne me va pas, je peux encore me retourner.


Et j'ai trouvé qu'elle m'allait bof.

Du Rose? Vraiment?
Et j'ai souri.
 
J'ai couru chez la coiffeuse couper tout ce qui pendouille de malheur et de gris au bout de mes pointes, et j'ai envoyé à Mamzelle Bulle un avant après pour savoir si ça claquait, un peu comme dans les émissions télé de relooking mais moi je me relooke toute seule.
Je suis ressortie plus allégée, bien plus allégée, y'avait du soleil.
 
Du soleil dans la rue, du soleil sur le bitume, du soleil dans ma tête.

La première étape étant réglée, j'avais un peu de marge pour le début de la deuxième. 
Celle du maquillage.

Le ciel s'est grisé d'un coup comme ma tête.
Et j'ai pris en pleine face le premier jet du Voilà.


 
DD joue des pinceaux dans son jardin.
Longtemps d'abord, et elle me regardait en me disant ne t'inquiète pas, je sais ce que je veux et ce que je fais pour toi, ça ira vite.
L'eyeliner à dessiné un trait trop gros sur ma paupière, mais non tu es belle elle me dit, et moi j'ai envie de pleurer.
C'est pas le moment pour un caprice, on dirait à un enfant.
C'est pas le moment pour un caprice, je me dis.
Alors je garde mon trait trop gros et voilà.

Heureusement que j'avais pris ma robe, je l'ai enfilée pendant l'attente tatillonne.
Et finalement elle me va comme un gant.
Je ferme le décolleté avec une épingle pour pas que mes nichons se fassent la malle toute la soirée, il ne manquerait plus que ça que ça jase dans mon dos...
Les règles de décence sont miennes.

Et puis j'ai couru, et pour de vrai, parce qu'il me restait 30 minutes exactement.
30 minutes exactement pour: aller chercher mes chaussures (je vais quand même pas y aller en tongs), faire un trajet de 20minutes puis un autre de 10, et me garer pour aller à une mairie qu'il me faudra chercher.
A l'heure dite, j'étais devant la mairie.

Monsieur Thib attendait devant, semblait faire les cent pas. Il était bien beau dans son costume, j'ai eu envie de lui dire mais aucun mot n'est sorti je crois, je ne sais plus trop bien, je flottais dans une allégresse grise.

J'ai pris de plein fouet le deuxième jet du Voilà quand je l'ai vu apprêté et beau lui aussi dans son costume.
J'ai pleuré intérieurement, au fin fond, pour ne pas que les larmes me montent de trop. Et Miss Chloé a bien vu, alors elle m'a pris le bras l'air de rien.

La salle s'est remplie doucement, ça chuchotait dans tous les coins, troisième jet du Voilà quand les regards se sont croisés et que les lèvres ont articulé Bonjour en souriant. 
Et puis on l'a devinée. On l'a attendue, le souffle court, tout s'est arrêté d'un coup, et elle est enfin apparue.
Miss Nana, de loin la plus belle princesse de D-day.

On a observé, rigolé, fait coucou, admiré, photographié, je me suis faite petite et quand en se retournant elle m'a jeté un coup d'oeil, j'ai eu envie de pleurer.

Ya eu le blabla, le oui pas dit comme prévu, et les alliances. Et les bisous pour clôturer le tout.
Le riz et les ronds de papier. 
Et le soleil.
Des photos. Et quelques mots.

Et puis on a fait pouet pouet à la file indienne.
Pouet pouet dans la campagne, pouet pouet dans les bleds vides, pouet pouet pour les mariés, pouet pouet sans rythme. 
Et quand ça se tait, y'en a toujours un pour relancer la mécanique.

On se gare un peu n'importe comment pourvu qu'on puisse repartir pas trop mal. 
Les talons s'enfoncent dans l'herbe. Et on trinque tchin tchin aux mariés, tchin tchin aux amoureux, tchin tchin au bonheur.
Et j'ai le cœur serré.

Séance photo.
Cheese par-ci. Cheese par-là.

Et puis il est l'heure de passer à table.

Animations.
Paillettes.
Photos.
Rires aux larmes.
Le fraisier à nos pieds.
Et le bal.

Dans la valise, leur souhaiter la plus belle des éternités.

En repartant, le jour se lève silencieusement.

#auxmariés#























 

#auxsources#

C'est étrange.
 
J'ai le cœur lourd et les épaules légères. La sensation de ne plus porter ce monde trop gris, de m'essoufler pour qu'il tourne, brinquebalant.
 

Il y a du soleil.
Du soleil sur le bois des meubles, du soleil sur les fleurs, du soleil dans les persiennes.


La Mam qui agite les bras dans l'allée parce que je tarde à sortir de la voiture.

Et le parquet qui craque quand je monte les escaliers.
 

J'ai poussé la porte, ça sentait la peinture fraiche et les murs neufs.
Il manque des choses. Au mur, les photos. Les livres, et les étagères. Et les rideaux rouges qui donnaient cette atmosphère particulière.
Et la guitare, et nos voix.
 

Je m'assois sur le lit, j'inspire, comme avant un grand saut, y'a pas les palpitations mais on n'en est quand même pas loin.

Un grand saut pour un grand bond.


On avance.



Sur le transat, je laisse le soleil mordre ma peau, les idées papilloner et les heures s'égrainer.
 

La nuit est douce.

 
Le lendemain.
Les étals sont beaux, il y a du monde et la Mam' tutoie même les vendeurs.

Voilà, c'est ma fille, oui elle est grande, oui c'est ma fille, ah elle me ressemble?

Et voilà que ça rigole et que les yeux sont tournés vers moi.
J'essaie de me faire petite.
 

Ils veulent me piéger avec leur trou du cru, mais je passe commande bien comme il faut, en articulant tout haut pour leur éviter de rigoler tout bas.

Bonjour, je voudrais un tr-ou-du-cr-u silvousplaitmadame.
 
Ahah, ils en sont presque épatés, eh bah oui bah non, je ne dirai pas trou du cul.



On se la joue travail à la chaine, on se passe les sacs de mains en mains, et Papou, maillon final, range proprement dans le chariot à roulettes pour que rien ne se transforme en purée avant qu'on ne soit arrivés.
 

Et puis on déguste en faisant des ah! Des hum! Des mmmmmh! de gourmandise.


Et puis il est l'heure.


Sur la route, à l'ombre des grands arbres, je me dis que tomber peut, des fois, permettre de mieux se relever.



#auxsources#









 

#lanouvellepage#


 


J'ai eu peur.
De louper le réveil. D'être à la bourre. De ne plus savoir faire. De foirer mon entrée.

Mais non mais non.
J'ai retrouvé les joies de l'attente sur les quais.
Les joies des visages endormis, fermés, inexpressifs.
Les joies des correspondances à saisir à la volée.
Et Paris qui, sous le soleil, se réveille.

C'est pas comme si je ne connaissais pas.
J'ai mes marques, mes repères, j'ai couru un peu et j'arrive essouflée en me disant que bientôt, tout ira tout seul.
Et me voilà dans le grand bain.


Je ne sais plus comment mais je nage.
Je vois Mamzelle Bulle dans un recoin de couloir, j'irai la voir après, faut pas paraître sauvage, et pourtant au fond de moi c'est la jungle la plus totale.
Les chefs font les sérieux. Un peu.
Ils prennent un air sévère qui ne leur va pas du tout et avec une voix grave nous expliquent ceci cela.
Et nous, d'opiner silencieusement.

C'est alors que commence le Grand Ménage.
Mamzelle Bulle et moi-même sommes prises d'un tourbillon estival, on fait le vide à grand renfort de placards ouverts et d'aiguilles périmées.
Du renouveau.

Mettre tout à plat pour y voir plus clair.
Et c'est pas gagné...

Le parquet grince sous nos pas pressés.
Des fois, pour respirer un peu, je regarde par la grande fenêtre. C'est la cour intérieure, on a vu sur les cuisines d'en face, et on se croirait dans un film. Ca sent bon la cuisine toute la journée. Et, quand, on se croise entre deux patients, nos yeux pétillent de gourmandise.

A midi on va prendre l'air, le soleil a envahi le boulevard et on se laisse éblouir le temps de se changer les idées.
On parle mecs, célibat tout frais et vacances qui arrivent.
Et puis du boulot aussi, un petit peu.
On prend de bonnes résolutions, on fait germer les idées, on donne naissance aux envies, et, le tout accordé, ça donne des sourires.
Et puis des fois, mon esprit s'évade un peu plus loin.
L'empressement du wedding day le plus attendu. La hâte de les voir, beaux. L'impatience de voir Miss Chloé en coquelicot de noces. Le doute sur ma robe. Et le cœur serré aussi.
Ne pas y penser, les larmes ne feront que monter.

C'est alors que je me dis qu'il faudra bien un jour avancer sans trébucher, oui mais voilà me dit ma tête, il te faut encore des béquilles.
Alors je pose ma tête sur l'épaule de Mamzelle Bulle en soupirant.

C'est dur, de grandir.

#lanouvellepage#
 

#leslongueursd'onde#

Voilà, il me dit.
Voilà.

Il y a du bruit, le fond des verres mauves aux néons fluos.

J'entends pas bien, je lis sur les lèvres, c'est comme regarder un film quand il y a trop de bruit à côté, on devine.

Ses lèvres qui s'articulent.

Il est question de ce que je veux, ce que je demande, d'état des lieux et de résumé.
De longueurs d'onde, trop dissonnnantes.

Alors quoi? Je lui dis.
Alors quoi? je lui crie. Pour qu'il m'entende.

Alors..

Il soupire.

Voilà, il me dit.
Voilà, je lui dis.

On en reste là.

Et la nuit emporte avec elle nos cœurs trop lourds et les larmes montées aux émotions nouvelles.

#leslongueursd'onde#

#jourdepluie#

A travers la vitre du train, je le vois bien, je vais me faire saucer.
 
Dans les dédales du métro je regarde par terre, mille et une empreintes enlacées, mille et une empreintes écrasées, les gens courent comme à leur habitude, sans regarder autour, sans regarder par terre, ils n'ont pas l'air trop trempés, c'est plutôt bon signe.
La pluie n'est pas encore arrivée.
 
Le ciel est gris. Les gens trop pressés.
Courir mais pour quoi?
 
Et puis d'un goutte à goutte, soudain, on passe aux trombes d'eau.
J'ai jamais aimé les capuches, ni les parapluies.
Et l'eau me dégouline dessus.
 
Je me presse un peu quand même.
J'espère que les arbres m'abriteront doucement, mais en levant les yeux je vois bien qu'ils sont un peu pelés, que les branches sont un peu dégarnies, et que ça ne me protège de rien du tout.
Si, du soleil. Mais y'en a pas.
 
Alors je longe les bâtiments.
Et puis mes pieds prennent l'eau.
Et je m'arrête sous un porche.
J'attends un peu.
On dirait que j'attends le bus.

Et puis un parapluie blanc passe vivement et s'arrête deux pas plus loin. Elle le soulève et d'un grand sourire en pointant son doigt vers l'avant, "vous allez par là?"

Je dis oui oui, elle me fait de la place sous le parapluie, et on reprend sa marche.
 
Je suis un peu pliée parce qu'elle est plus petite que moi, et en évitant les flaques on se raconte un peu nos vies.
Elle me laisse un peu plus haut que mon entrée, et je finis d'un pas pressé.
 
Faire du co-parapluie..
Paris n'aura jamais fini de m'étonner.
 
#jourdepluie#