Quand je suis rentrée, j'ai trainé des pieds.
J'ai trainé des pieds parce que la journée avait été longue et ressemblait un peu à du Grand Nimporte Quoi. J'étais fatiguée, il me semblait que j'avais mille et une choses à faire, il fallait que je me presse et je ne savais pas par où commencer.
Quand je suis entrée, elle était assise dans le salon. Je n'aime pas être un courant d'air, je l'ai écoutée me raconter les histoires de Pierre Paul Jacques, qu'importe si je ne les connais pas, elle vide son sac. Des fois ça m'agace un peu, après coup de me dis qu'elle n'est pas éternelle, mais bon, les histoires du père du cousin du copain du voisin, c'est pas vraiment mon truc, et j'écoute d'une oreille distraite.
Mais là je sens que ça lui pèse, ça lui rappelle qu'il y a peu c'était lui qui partait, alors elle ressasse.
Je l'écoute parce que je me dis que c'est sa façon de faire le deuil, peut-on seulement le faire après 53 ans de mariage, unis pour le meilleur et pour le pire, pense-t-on seulement au pire? je me demande parfois, mais je me dis non, non, on n'imagine pas, et quand ça tombe, on ne comprend pas.
Elle ne comprend pas.
Elle ne comprend pas pourquoi.
Elle ne comprend pas comment.
Elle ne comprend pas. Elle ne retient pas.
Pourtant, je lui explique. A chaque fois.
Je finis par monter, je me prépare, je mets du temps alors que je pense aller vite, je suis au ralenti, j'ai la tête partout et nulle part à la fois. Dans le sac à préparer, dans ces deux jours qui arrivent, dans ce soleil qui devrait pointer son nez, dans ce que j'ai à amener.
Seulement voilà, j'ai pas de nouvelles, je ne sais pas, et je suis incapable d'avancer à l'aveugle.
Et puis l'heure a tourné, il se fait tard, et il y a la route à faire encore.
Le portail est grand ouvert.
Il y a des voitures ici et là, je me gare dehors pour ne pas les gêner quand ils vont repartir, je rentrerai après.
Je sors, je respire un coup, je me sens fautive d'être si tardive, j'entends marcher sur les graviers, et à contre-jour des spots, je Le vois qui arrive.
Je suis contente, j'ai eu hâte, et en même temps j'ai la queue entre les pattes, je m'attendrais presque à ce qu'Il m'engueule.
Ils sont tous dans le salon, autour de la petite table. Je fais le tour, ça rigole bien, ça me rassure, et puis j'aime bien les voir là tous ensemble.
On se moque gentiment, on évoque les sujets qui font rire, un bisou dans le cou .
Et puis Miss Camille sort les photos, celles dont on a tant entendu parler, qui donne à se moquer de soi allège sa peine, et les pages se feuillètent, on épie, on détaille pour trouver, trouver le point à pointer entre deux toasts de tarama.
Sarabinette grignote les radis et les crudités à tremper dans la sauce.
Il s'affaire dans la cuisine, nous apporte les tartines qui sentent bon.
Et puis on finit tous en cuisine pour préparer le dessert. Monsieur Thib coupe les bananes, on l'aide à éplucher poires et pommes, je m'occupe des fraises avec Sarabinette, et Lui remue le chocolat à fondre. Et chacun pique, trempe, couvre et recouvre avant d'engloutir goulument.
Les heures ont tourné, et ils s'en vont avec le temps qui s'égraine encore.
Et puis la nuit nous emballe, comme on apprête une surprise, on la laisse nous guider dans les songes enlacés qui ont raison de nous.
#findesemainedébutdeweekend#
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